À Fitou, une nouvelle génération d’agriculteurs explore des voies capables de répondre au climat méditerranéen qui se durcit. Parmi eux, Benjamin Augros s’impose comme l’un des premiers défenseurs d’une culture encore marginale sur le littoral audois : l’aloe vera. Attaché de presse de métier, quadragénaire en reconversion, il représente cette figure émergente d’acteurs qui misent sur des plantes résilientes pour compenser les fragilités de la viticulture locale.

©Arnaud Gauthier L'écho du Languedoc
Son engagement prend racine lors d’un stage effectué au domaine du Champ des sœurs, chez Laurent Maynadier. Ce dernier, vigneron de longue date, cherche depuis 2019 à diversifier son exploitation. Après plusieurs expérimentations, il a retenu l’aloe vera pour sa capacité à s’adapter à l’aridité de Fitou. Peu consommatrice d’eau, résistante à la chaleur et adaptée aux sols secs, la plante s’inscrit comme une réponse potentielle aux bouleversements climatiques. Pour Benjamin, cette découverte agit comme un déclic. L’idée d’explorer une nouvelle culture s’impose immédiatement, avec l’envie de s’inscrire dans une filière naissante.
Pour valider son installation agricole, il passe un bac agricole à distance avec un lycée d’Albi. Diplôme obtenu, il s’engage dans les oliviers et fait ses premiers pas dans l’aloe vera. Il plante 800 pieds cette année pour mesurer la faisabilité de la culture sur ses propres terrains. Le gel a éliminé une partie des plants, une épreuve révélatrice du principal défi rencontré sur le littoral. L’aloe supporte mal les températures proches de zéro. À partir de moins 4 degrés, les pertes s’enchaînent. Pour les producteurs, la protection hivernale n’est pas un choix mais une nécessité, que ce soit via des serres tunnels ou des abris légers.
C’est ici que Benjamin se heurte à la même barrière que Laurent Maynadier. La loi Littoral encadre strictement les aménagements autorisés sur les zones concernées. Pourtant, les abris envisagés relèvent de structures modestes, intégrées et temporaires. Pas question de défigurer le paysage. Mais les règles restent inflexibles. Il déplore cette situation, qu’il décrit comme un frein paradoxal. Les exploitants sont incités à se diversifier pour amortir les crises de la viticulture mais, dans le même temps, les solutions techniques indispensables restent hors de portée. Pour lui, l’enjeu est simple. Sans possibilité de protéger les plants du gel, la filière aloe vera ne pourra pas dépasser le stade expérimental.
Benjamin s’inscrit néanmoins dans une dynamique constructive. Il observe de près les résultats de ses premiers plants et ajuste ses pratiques. Il suit également l’évolution de la filière portée par Laurent Maynadier, qui a arraché 9 hectares de vignes pour lancer une production plus ambitieuse. Le vigneron a déjà créé une première gamme de cosmétiques et de jus, transformés pour l’instant à Thuir, chez Si Bio. Il imagine un atelier mutualisé pour extraire les principes actifs localement, étape qui structurerait durablement la filière. Benjamin partage cette vision. Il sait que l’aloe vera ouvre une palette de débouchés, du jus au cosmétique, en passant par les fibres textiles ou l’aloïne utilisée comme répulsif.
Sa démarche illustre une transition agricole déjà en marche. Face à une viticulture qui affronte une triple crise climatique, économique et structurelle, il prend position pour une diversification réfléchie et réaliste. Attaché à la terre tout autant qu’à la communication, il comprend la nécessité de convaincre, d’expliquer et de fédérer autour de nouvelles pratiques. Il incarne ce mouvement qui ne renie pas la vigne mais refuse de s’y limiter alors que le climat pousse à l’adaptation.
À Fitou, ses premiers 800 plants ne constituent qu’un début. Ils symbolisent surtout un engagement clair. Benjamin Augros fait partie de ceux qui croient que le littoral audois peut devenir une terre d’aloe vera, à condition de lever les freins réglementaires et d’accompagner les producteurs. Il avance avec prudence mais détermination, conscient que chaque test, chaque hiver et chaque expérimentation façonnera une filière encore en construction. Son parcours montre une voie possible pour les agriculteurs du territoire.
L'article complet est à retrouver ici : https://www.echo-languedoc.fr/ils-ont-choisi-laloe-vera-pour-apaiser-la-viticulture-sur-le-littoral-audois/
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