Dans l’Aude, un vigneron change de cap et plante de l’aloe vera
Posté le 16/12/2025
Dans l’Aude, certains choix ne relèvent plus de l’opportunisme mais de la survie agricole. Laurent Maynadier, vigneron de formation, en fait aujourd’hui le constat. Après des années marquées par la sécheresse et des récoltes lourdement amputées, il a engagé une reconversion progressive de son exploitation en introduisant une culture encore marginale en France : l’aloe vera.
Ce changement ne s’est pas fait par effet de mode. Il s’inscrit dans une réalité climatique brutale. En 2023 puis en 2024, la perte de rendement sur ses vignes atteint jusqu’à 90 %. L’eau manque. Les sols souffrent. Le modèle viticole traditionnel montre ses limites dans certaines zones du sud de la France.
Une plante adaptée aux territoires secs
L’aloe vera présente un avantage décisif dans ce contexte : sa sobriété hydrique. Cette plante succulente, originaire de régions arides, stocke l’eau dans ses feuilles charnues et supporte des périodes prolongées sans irrigation. Là où la vigne exige un suivi constant, l’aloe vera s’adapte.
Sur les parcelles concernées, les rangs de ceps ont laissé place à des plants bas, robustes, au feuillage épais. Le paysage change. Les gestes aussi. Laurent Maynadier parle d’un véritable apprentissage, d’un autre rapport au végétal, plus lent, plus manuel.
Changer de gestes, changer de métier
Le reportage montre ce basculement très concrètement. L’ancien vigneron manipule désormais des feuilles d’aloe vera fraîchement récoltées. Il les pèle à la main pour en extraire le gel et le jus, éléments centraux de la valorisation de la plante.
Le travail est précis, presque chirurgical. La feuille est ouverte, débarrassée de sa cuticule, puis transformée. Le geste est nouveau, mais la logique reste agricole : produire, transformer, valoriser sur place.
Pour faciliter ce travail, Laurent Maynadier a conçu ou adapté des outils simples, inspirés du monde viticole, afin de gagner du temps sans industrialiser le process. L’objectif reste clair : garder la maîtrise de la production, du champ au produit fini.
Jus d’aloe vera et débouchés multiples
Cette reconversion s’accompagne d’un projet économique structuré. Laurent Maynadier vise une production annuelle d’environ 4 000 bouteilles de boissons à base d’aloe vera, déclinées notamment avec du citron ou de la grenade. Des recettes sobres, pensées pour le bien-être, sans masquer la plante derrière des arômes artificiels.
Au-delà des boissons, l’aloe vera ouvre d’autres perspectives. Le gel est très recherché en cosmétique pour ses propriétés hydratantes et apaisantes. Cette polyvalence sécurise l’exploitation. Elle limite la dépendance à un seul marché, un point devenu stratégique pour de nombreux agriculteurs.
Une dynamique locale émergente
Laurent Maynadier n’est pas un cas isolé. Dans l’Aude et plus largement en Occitanie, une dizaine de producteurs ont déjà engagé une transition similaire. Tous partagent le même constat : face au changement climatique, certaines cultures deviennent intenables sans irrigation massive.
L’aloe vera ne remplace pas la vigne partout. Mais dans certaines zones, elle devient une alternative crédible, économiquement viable et cohérente avec les contraintes environnementales locales.
Produire autrement, sans renier l’agriculture
Cette reconversion ne signe pas un abandon du métier d’agriculteur. Elle en redéfinit les contours. Même exigence, même lien à la terre, mais avec une plante différente, plus résiliente, plus adaptée au climat méditerranéen d’aujourd’hui.
Le témoignage de Laurent Maynadier illustre une transition agricole discrète mais profonde. Moins de rendement à tout prix. Plus d’adaptation. Et une recherche assumée de cohérence entre sol, climat et production.
Dans l’Aude, l’aloe vera ne relève plus de l’anecdote. Elle s’inscrit désormais comme une réponse concrète aux défis climatiques auxquels font face de nombreux producteurs du sud de la France.
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